Le 28 novembre 2024, le Réseau des Points Focaux Nationaux pour les Migrants Disparus s’est rassemblé à l’occasion de sa seconde réunion afin de présenter une série de pratiques existantes et réussies de recherche et d’identification des migrants disparus, menées par les autorités de différents pays. Organisée par le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) et co-convoquée par la Suisse et la Gambie avec le soutien du Secrétariat du Processus de Rabat, la réunion en ligne a réuni près de 50 participants, y compris des représentants de 20 pays partenaires du Processus de Rabat, et d’organisations internationales telles que le Conseil de l’Europe, le HCR et l’OIM.
Avec 17 pays faisant officiellement partie du Réseau à ce jour, et d’autres devant bientôt y adhérer, l’initiative vise à devenir un outil pratique pour soulager la souffrance des migrants disparus et de leurs familles. La réunion s’est penchée sur les solutions pratiques pour identifier et localiser les individus disparus, tout en soulignant le rôle critique de la coopération et des partenariats transfrontaliers pour le soutien aux familles concernées et aux migrants disparus.
Répondre aux besoins d’identification et de soutien aux migrants : défis, leçons apprises et solutions futures basées sur des initiatives concrètes en Europe et en Afrique
La session a permis au Commandant de l’Equipe d’Identification des Victimes de Catastrophes (IVC) de la Police hellénique, Lt. Col. Pantelis Themelis, de partager son expérience liée à la réponse grecque au naufrage de 2023 près de Pylos, où un navire transportant 750 migrants a tragiquement coulé dans la Méditerranée. Créée en 2018 sous les protocoles d’INTERPOL, l’Equipe IVC de la Police hellénique a dirigé les efforts pour retrouver et identifier les victimes grâce à l’étiquetage des corps, la prise d’empreintes digitales, et des entretiens avec les survivants, et avec à l’appui d’un centre d’appel multilingue pour communiquer avec les familles. La collaboration avec les ambassades, des ONG, et des équipes IVC internationales a été essentielle, bien que des défis tels que les barrières de langue et des ressources limitées dans les pays d’origine des migrants aient compliqué les opérations.
Afin de répondre à ces défis, la Grèce a mis en avant l’importance de renforcer l’expertise des équipes IVC dans les pays d’origine et d’établir des points de contact officiels afin d’améliorer la collecte de données ante mortem. Le co-point focal national suisse pour les migrants disparus, et membre du Bureau fédéral de la police, a fait écho à l’importance des bases de données ADN centralisées, telles que celle d’INTERPOL, tout en notant que les contraintes légales liées au partage transfrontalier de données ADN demeurent un obstacle important.
Les efforts de Djibouti dans la documentation des migrants décédés ont été mis en avant par le directeur du Service de Santé de la Police nationale de Djibouti, Dr. Samatar Hassan Farah, qui a présenté les politiques du pays en matière d’assistance aux migrants qui traversent leur territoire et de recherches de ceux ayant disparu. L’approche nationale de Djibouti priorise l’assistance humanitaire plutôt que la répression, et offre des soins de santé, un soutien, et des services de retour sûrs aux migrants. Le Comité national pour la gestion des dépouilles mortelles dirige les efforts de collecte des données ante mortem et post mortem, y compris pour les corps des migrants retrouvés, facilitant ainsi des enterrements dignes et permettant aux familles d’obtenir une réponse quant au sort de leurs proches. Les comités régionaux, soutenus par les communautés locales, les centres de santé, les garde-frontières, les officiers de police et des organisations comme la Société du Croissant rouge de Djibouti, jouent tous un rôle crucial dans ces opérations. Malgré ces initiatives, Djibouti rencontre des défis, tels que des voies de partage des données limitées avec les pays limitrophes, y compris pour l’obtention des données nécessaires à l’identification des corps retrouvés de la part des familles de migrants disparus. Les recommandations incluent le renforcement de l’assistance aux migrants en transit à Djibouti et les capacités de recherche de ceux qui disparaissent, tout en favorisant la collaboration transfrontalière et en fournissant de meilleures ressources pour renforcer ces efforts.
En tant que membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Julian Pahlke a mis en avant les principaux résultats et recommandations d’un rapport et d’une résolution sur les « Personnes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile – un appel à clarifier leur sort », passés en Octobre 2024. Le rapport souligne le besoin d’interventions proactives pour retrouver les survivants et les corps en mer, de systèmes de données centralisés pour les identifier, avec les capacités et les cadres légaux nécessaires, de régulations strictes en matière de données, et de mesures pour soutenir les familles endeuillées, y compris en facilitant leurs déplacements et l’obtention du visa pour se rendre dans les pays où leurs proches sont enterrés. Ces recommandations visent à être transformées en feuille de route pratique dans les Etats membres. A cet effet, une conférence sera organisée à Strasbourg entre avril et juin 2025.
Reconnaissant le rôle central des familles dans la recherche et l’identification des migrants disparus, le Réseau a exploré des initiatives à l’échelle nationale, comme celles du Sénégal. Pape Lamine Diop, conseiller technique au ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, a décrit les stratégies du pays pour réduire l’immigration illégale et prévenir ces pertes tragiques. A travers les Bureaux d’orientation et de suivi (BOS), le Sénégal collecte des informations à l’échelle communautaire provenant de familles dont les membres ont disparu le long des routes migratoires vers l’Europe. Ces bureaux leur fournissent le soutien nécessaire, y compris à travers une assistance psychosociale, et collaborent avec des organisations nationales et internationales telles que le CICR afin de collecter des données ante mortem.
Perspectives d’avenir pour le Réseau
Le Réseau de Points Focaux Nationaux pour les Migrants Disparus s’appuiera sur ces discussions lors de sa prochaine réunion, prévue pour le premier trimestre de 2025, et qui se concentrera sur le renforcement de la collaboration internationale et l’exploration de solutions innovantes pour l’identification des migrants disparus.
En tant que présidence à venir du Processus de Rabat pour 2025, le Nigeria a affirmé son engagement à faire avancer ces efforts et à encourager la collaboration régionale pour améliorer les systèmes d’identification et de soutien. Une réunion de suivi sera notamment organisée à Banjul, en Gambie, en 2025. Les Points Focaux Nationaux pour les Migrants Disparus, ainsi que les organisations régionales et internationales, seront invités à participer et à contribuer à ces discussions.